Poésie d’embuscade
(extrait)
Hawad. Traduit du touareg (tamajaght). 16/04/2002
Les airs et les sables
s’enduisent d’huile de coco
gélatine graisse fondue
haut-le-cœur
pour amadouer
les rayons du soleil.
Ô monde,
jusqu’à combien de rives,
d’âmes et corps
sens-tu le pet global
du tourisme ?
Là-bas comme ici
je vois la veuve Temoust,
Temoust la touarègue,
elle dont la crevasse des yeux
ou la rocaille des pieds nus
sont nourris
des griffes du sirocco
et des dards du soleil.
L’ocre mât de l’épiderme
de ses enfants l’a cuirassée
pour affronter les scies et les faux
de ses tortionnaires.
Griffes du sirocco,
brasiers du soleil
sur les dards du sable,
rabots de basalte,
gueule d’un canon
bouchant l’horizon
pour coaguler le rêve
comme un obus coincé
entre le diaphragme et la luette.
Tous les outils et toutes les semences
de cette vie de grossiers faux-semblants
ont taillé le visage de Temoust.
Et toi encore, tu veux rêver ?
Armés de scies électroniques
et de poignards laser,
ils sont revenus
dans le sillage de leurs crimes.
D’une seule voix,
ils ont hurlé :
- "A la racine de la luette,
il faut couper toutes les langues harpons,
celle du poète jusqu’à celle de la chèvre
et de la salamandre de leurs ravins.
Et au-dessus du col,
salamandre,
chèvre
et râle du chouca
perpétuent les résonances
des cordes vocales rompues.
Fouets de tornade,
les nerfs de la langue continuent
à percuter le silence.
L’écho aux accents de silex amorce
le borborygme des galets.
Ô terre complainte de barbare
à la langue tranchée.
Ô langue des salives de Satan,
mijotée dans la vapeur du palais
aux timbres de piment.
Au pays des cris de la pénombre,
pays du génie qui appelle à la montagne,
nous tous comme les rocailles de nos plateaux,
nous grommelons et griffonnons
à l’oreille de la pierre
un mélange de sons et de signes fourchus
et branchus comme les griffes des vautours,
nos ancêtres
qui nous mangent la langue.
Et nous parlons
avec des langues remuantes
comme les sabots des chèvres de nos mères
que nous trayons dans les chambres d’échos
de nos bouches.
Nos bouches emplies de lames de verre
et de mots munitions
des révoltes à venir.
Et à minuit quand la lune
n’est plus penchée sur la margelle,
miroir ouverture d’un puits tari,
par nos moignons de langues
nous jappons,
fracas de poésie aiguisée
comme la crête du silex.
Lame de verre
et sa lime de mots
balles braquées
à bout portant sur les tempes,
poésie silex crête affûtée
des voix se croisant et s’entrecroisant ,
et encore un nouveau heurt,
voix sourde de l’entre deux chocs
comme la météorite du cœur percutant
la pierre de la détermination.
Au pays des langues fendues,
pays à la parole
qui va droit
vers l’axe noir,
virage rapide
et soudain demi tour,
et la flèche revient
à l’arc de la langue.
Flèche et arc repartent
en un seul tir foudre
en quête d’un butoir,
cible niant
sa déflagration.
Soixante-dix ombres tombent
en vomissant leurs entrailles
et un homme court à leur secours
et mord sa langue,
renversé dans le tourbillon d’une rafale
et droit il se redresse,
les reins en fumée.
Il avale sa langue,
un caillot de sang
et d’un coup part
vers le cap de non retour.
A l’autre bord du malheur,
sa femme rumine son placenta.
Son fils est fauché de son ventre
par le tonnerre de l’obus,
le ligotant au cordon ombilical
qui le relie jusqu’ici
aux entrailles de sa mère,
mère prise dans l’art révolte
de recycler la mort
comme un butin,
arme pillée à l’ennemi.
Ceci est la jolie face
du bas du pays
aux langues fourchues.
Quant à ses hauteurs,
c’est un autre cliché.
Horizon et ciel à l’infini
de la teinture laide
de l’azur
et toujours le noir du chouca
et son double, la tâche grisâtre
du vautour
qui ponctue l’absolue stridence,
notre silence.
Tout un pays de paix
écologique et hygiénique
avec son paradis minéral,
n’est-ce pas touriste ?
Va-t-en rapace
Ici, rien à visiter ni à raconter
Tout est nettoyé,
ethniquement correct.
Ouste ! journaliste.
Tout est propre et technologique.
Les corps sont brûlés au napalm,
les cadavres sont en cendres,
avec la coopération des nations unies.
Désert basalte
pierraille avalanche
lave de nos crânes
et rocaille
grincement des os
ricochant sur les balles.
Vers la décharge,
les camions ont tout pelleté,
même le vent,
et depuis avant-hier
des fumées âpres,
sueurs de l’homme,
dessinent sur le poitrail du firmament
d’énormes navires remplis de scories
au regard de pierre ponce,
traversés par le cuivre d’une roquette.
Navires de fumée
chargés du marc de l’alphabet,
nos ombres,
ombres présence de l’absence
de nos corps
face à la peste silence,
la gâle complice
qui suce jusqu’à la moelle
de notre existence.
Nous sommes les fourmis
ombres divagantes d’une gangrène
qui se nourrit du vagabondage
de ses molaires.
Maintenant sur mon épaule
la nuit défèque le jour,
et je vais percer
les testicules enflés
du hibou blême,
l’hypocrisie.
s’enduisent d’huile de coco
gélatine graisse fondue
haut-le-cœur
pour amadouer
les rayons du soleil.
Ô monde,
jusqu’à combien de rives,
d’âmes et corps
sens-tu le pet global
du tourisme ?
Là-bas comme ici
je vois la veuve Temoust,
Temoust la touarègue,
elle dont la crevasse des yeux
ou la rocaille des pieds nus
sont nourris
des griffes du sirocco
et des dards du soleil.
L’ocre mât de l’épiderme
de ses enfants l’a cuirassée
pour affronter les scies et les faux
de ses tortionnaires.
Griffes du sirocco,
brasiers du soleil
sur les dards du sable,
rabots de basalte,
gueule d’un canon
bouchant l’horizon
pour coaguler le rêve
comme un obus coincé
entre le diaphragme et la luette.
Tous les outils et toutes les semences
de cette vie de grossiers faux-semblants
ont taillé le visage de Temoust.
Et toi encore, tu veux rêver ?
Armés de scies électroniques
et de poignards laser,
ils sont revenus
dans le sillage de leurs crimes.
D’une seule voix,
ils ont hurlé :
- "A la racine de la luette,
il faut couper toutes les langues harpons,
celle du poète jusqu’à celle de la chèvre
et de la salamandre de leurs ravins.
Et au-dessus du col,
salamandre,
chèvre
et râle du chouca
perpétuent les résonances
des cordes vocales rompues.
Fouets de tornade,
les nerfs de la langue continuent
à percuter le silence.
L’écho aux accents de silex amorce
le borborygme des galets.
Ô terre complainte de barbare
à la langue tranchée.
Ô langue des salives de Satan,
mijotée dans la vapeur du palais
aux timbres de piment.
Au pays des cris de la pénombre,
pays du génie qui appelle à la montagne,
nous tous comme les rocailles de nos plateaux,
nous grommelons et griffonnons
à l’oreille de la pierre
un mélange de sons et de signes fourchus
et branchus comme les griffes des vautours,
nos ancêtres
qui nous mangent la langue.
Et nous parlons
avec des langues remuantes
comme les sabots des chèvres de nos mères
que nous trayons dans les chambres d’échos
de nos bouches.
Nos bouches emplies de lames de verre
et de mots munitions
des révoltes à venir.
Et à minuit quand la lune
n’est plus penchée sur la margelle,
miroir ouverture d’un puits tari,
par nos moignons de langues
nous jappons,
fracas de poésie aiguisée
comme la crête du silex.
Lame de verre
et sa lime de mots
balles braquées
à bout portant sur les tempes,
poésie silex crête affûtée
des voix se croisant et s’entrecroisant ,
et encore un nouveau heurt,
voix sourde de l’entre deux chocs
comme la météorite du cœur percutant
la pierre de la détermination.
Au pays des langues fendues,
pays à la parole
qui va droit
vers l’axe noir,
virage rapide
et soudain demi tour,
et la flèche revient
à l’arc de la langue.
Flèche et arc repartent
en un seul tir foudre
en quête d’un butoir,
cible niant
sa déflagration.
Soixante-dix ombres tombent
en vomissant leurs entrailles
et un homme court à leur secours
et mord sa langue,
renversé dans le tourbillon d’une rafale
et droit il se redresse,
les reins en fumée.
Il avale sa langue,
un caillot de sang
et d’un coup part
vers le cap de non retour.
A l’autre bord du malheur,
sa femme rumine son placenta.
Son fils est fauché de son ventre
par le tonnerre de l’obus,
le ligotant au cordon ombilical
qui le relie jusqu’ici
aux entrailles de sa mère,
mère prise dans l’art révolte
de recycler la mort
comme un butin,
arme pillée à l’ennemi.
Ceci est la jolie face
du bas du pays
aux langues fourchues.
Quant à ses hauteurs,
c’est un autre cliché.
Horizon et ciel à l’infini
de la teinture laide
de l’azur
et toujours le noir du chouca
et son double, la tâche grisâtre
du vautour
qui ponctue l’absolue stridence,
notre silence.
Tout un pays de paix
écologique et hygiénique
avec son paradis minéral,
n’est-ce pas touriste ?
Va-t-en rapace
Ici, rien à visiter ni à raconter
Tout est nettoyé,
ethniquement correct.
Ouste ! journaliste.
Tout est propre et technologique.
Les corps sont brûlés au napalm,
les cadavres sont en cendres,
avec la coopération des nations unies.
Désert basalte
pierraille avalanche
lave de nos crânes
et rocaille
grincement des os
ricochant sur les balles.
Vers la décharge,
les camions ont tout pelleté,
même le vent,
et depuis avant-hier
des fumées âpres,
sueurs de l’homme,
dessinent sur le poitrail du firmament
d’énormes navires remplis de scories
au regard de pierre ponce,
traversés par le cuivre d’une roquette.
Navires de fumée
chargés du marc de l’alphabet,
nos ombres,
ombres présence de l’absence
de nos corps
face à la peste silence,
la gâle complice
qui suce jusqu’à la moelle
de notre existence.
Nous sommes les fourmis
ombres divagantes d’une gangrène
qui se nourrit du vagabondage
de ses molaires.
Maintenant sur mon épaule
la nuit défèque le jour,
et je vais percer
les testicules enflés
du hibou blême,
l’hypocrisie.
Extraits en tifinagh cursifs et vocalisés